Justin Drake, chercheur à la Fondation Ethereum, tire la sonnette d’alarme sur la durabilité à long terme du modèle de sécurité de Bitcoin. Selon lui, la dépendance de Bitcoin aux subventions de blocs et aux faibles revenus issus des frais de transaction rend le réseau vulnérable, notamment à mesure qu’il se rapproche du plafond fixé à 21 millions de BTC.

Le modèle de sécurité de Bitcoin sous pression

La sécurité actuelle du réseau Bitcoin repose largement sur son mécanisme de preuve de travail (Proof-of-Work, PoW), où les mineurs sont récompensés pour la validation des transactions et la sécurisation de la blockchain. Ces récompenses proviennent de deux sources : les frais de transaction et la subvention de bloc. Or, cette dernière est divisée par deux environ tous les quatre ans et finira par s’épuiser, laissant les frais de transaction comme seule incitation pour les mineurs.

Justin Drake souligne toutefois que les frais de transaction n’ont jamais atteint un niveau suffisant pour soutenir le réseau à eux seuls. « Depuis 2016, les frais ne représentent qu’environ 1 % des revenus totaux des mineurs par bloc », avertit-il, ce qui crée un déséquilibre dangereux. Sans revenus suffisants, les mineurs pourraient réduire leurs opérations, affaiblissant le réseau et le rendant plus vulnérable aux attaques à 51 %.

Un Bitcoin à un million de dollars, mais un réseau affaibli ?

Drake illustre cette inquiétude avec un scénario hypothétique : même si le Bitcoin atteignait 1 million de dollars par unité, le réseau pourrait rencontrer des problèmes critiques. Avec les niveaux actuels de frais, cela reviendrait à sécuriser un actif de 20 000 milliards de dollars avec seulement un dixième de la puissance de minage actuelle, réduisant drastiquement le coût et la difficulté d’une attaque.

« Pour maintenir la sécurité actuelle uniquement via les frais, le marché des frais de transaction Bitcoin devrait augmenter de 100 fois », explique-t-il. Or, les tentatives passées pour accroître les frais via une plus grande utilité on-chain n’ont pas réussi à générer une demande constante et durable.

Un changement de politique monétaire inévitable ?

Le débat sur la pérennité du modèle de Bitcoin n’est pas nouveau. Alors que le réseau approche de sa limite d’offre fixe, plusieurs acteurs de la communauté crypto se demandent si une modification de la politique monétaire ne sera pas nécessaire.

Drake évoque deux options controversées : soit lever la limite des 21 millions de BTC pour permettre une « émission résiduelle » continue, soit envisager une transition de la preuve de travail vers un mécanisme de preuve d’enjeu (Proof-of-Stake, PoS) comme celui adopté par Ethereum.

L’émission résiduelle consisterait à continuer à créer des bitcoins au-delà du plafond actuel, mais à un rythme réduit et peut-être fixe, assurant ainsi une source de revenus pour les mineurs après la disparition des récompenses de bloc. Cependant, cela remettrait en cause l’un des principes fondamentaux de Bitcoin, à savoir son offre limitée, considéré par beaucoup comme la base de sa valeur refuge.

Le passage au PoS transformerait radicalement le mécanisme de consensus et l’empreinte énergétique de Bitcoin. Bien que cette approche soit plus économe en énergie, elle pourrait susciter une controverse majeure au sein de la communauté Bitcoin, réputée pour son attachement à la vision initiale de Satoshi Nakamoto.

Des développeurs Bitcoin partagent ces préoccupations

Justin Drake n’est pas seul. James O’Beirne, développeur core de Bitcoin, a déjà évoqué des risques similaires pour la sécurité du réseau. Il a aussi discuté de la possibilité d’introduire une émission résiduelle pour maintenir les incitations aux mineurs. Cependant, comme Drake, il souligne que cela impliquerait de modifier la programmation sacrée de l’offre de Bitcoin.

Ces propositions rencontrent souvent une forte opposition de la part des puristes Bitcoin, qui estiment que modifier les règles fondamentales pourrait nuire à la confiance et à la crédibilité monétaire du réseau.

Une communauté à la croisée des chemins

À mesure que Bitcoin gagne en valeur et en reconnaissance mondiale, la question de son modèle de sécurité futur devient de plus en plus urgente. Des voix comme celle de Drake affirment que « l’éléphant dans la pièce » est ignoré, alors que le modèle actuel repose de plus en plus sur des subventions qui diminuent.

Si la transition vers un modèle uniquement basé sur les frais paraît encore lointaine pour certains, d’autres estiment que le moment de se pencher sur ces enjeux est venu. Qu’il s’agisse d’une augmentation de l’utilité on-chain, d’émissions résiduelles, ou d’un changement complet du consensus, la communauté Bitcoin devra sans doute faire des choix difficiles pour garantir la viabilité à long terme du réseau.

Conclusion

Le budget actuel de sécurité de Bitcoin est viable pour l’instant, mais les experts alertent sur l’impossibilité de maintenir le statu quo indéfiniment. Avec des frais de transaction ne représentant qu’une petite part des revenus des mineurs et une subvention de bloc en baisse constante, l’avenir de la sécurité du réseau pourrait dépendre de changements importants — et potentiellement controversés — dans la politique monétaire, les protocoles ou l’innovation plus large.